….Ou tout ce que vous écrirez pourra être retenu contre vous…
Bien que nous ne sommes pas aux Etats-Unis d’Amérique, et que le 5ème et le 6ème amendement de la constitution des States n’est pas applicable en France, cette célèbre phrase issue de l’affaire Miranda, et que nous entendons dans de nombreux films et téléfims américains, trouve désormais écho en France dans les échanges employeurs employés.
En effet, avec le développement des nouvelles technologies, des smartphones, des mails, sms, mms, et autres moyens de communications, les relations employeurs-employés, changent.
Exit le vouvoiement,
Aujourd’hui, on préfère le tutoiement, c’est plus in !
Exit le salut par la poignée de main,
Aujourd’hui, on s’embrasse…
Exit les échanges par courriers…
Aujourd’hui, l’on préfère les textos, les mails, les pokes….
La difficulté dans le cas d’une relation employeur-employé qui se dégrade, c’est ensuite d’arriver à prendre du recul et à séparer le vrai du faux, à faire la part des choses….
Aujourd’hui, je vais donc vous citer une histoire, l’histoire d’un employeur qui avait licencié une salariée pour faute grave en lui reprochant de ne pas avoir repris son poste à l’issue d’un arrêt de travail. La salariée, précisait qu’elle s’était présentée au travail, mais que le gérant lui en avait interdit l’accès et exigé sa démission tout en présentant un mail.
L’affaire arrive jusqu’à la chambre sociale de la Cour de Cassation le 25 septembre 2013. La Cour en rejetant le pourvoi, fait condamner l’employeur et en profite pour apporter des précisions sur les moyens de preuve admis en matière de licenciement.
Pour mieux comprendre, une partie de ce mail envoyé par l’employeur à l’employé, est reproduit ici :
« Salut grosse vache Alors t’es contente que Marjorie t’ai appelé ?
En tous cas sache que ca ne changera rien du tout ! ! ! ! j’attends toujours ta lettre de démission car après mon comportement tu dois bien comprendre que je ne veux plus voir ta gueule et qu’il est hors de question que je débourse un centime pour ton licenciement ! ! ! ! ! Et pas la peine que tu me casses les couilles avec tes conneries de prud’homme parce que moi j’ai un avocat et je t’enfoncerai encore plus que je l’ai déjà fais et crois moi c’est possible
Alors ? ? ? toujours pas les boules d’avoir quitté sofinco et ton petit cdi tranquille !
je tiens quand même à te remercier grâce à toi j’ai pu monter ma boîte à moindre frais et qui aurait cru que tu serais assez naïve pour me suivre après que je t’ai recrutée pour Epargne sans frontière alors que je savais depuis des mois qu’on allait déposé lé bilan ! !
Pauvre conne ! tu croyais vraiment que je t’avais recruté pour tes compétences ?
Alors je te préviens envoie moi ta lettre et plus vite que ça, tu vas enfin bouger ton gros cul pour quelque chose ! ! ! ! !
Et t’avises pas d’essayer de me la faire à l’envers avec la Marjorie sinon tu vas voir ce que c’est du harcèlement, je vais te montrer ce que c’est moi une dépression grosse vache ! ! ! !
Alors ? ? ? ? ? ? tu regrettes toujours pas ? ? ? ? il aurait peut être été plus simple de coucher finalement ! ! ! l maintenant t’a plus rien, plus de boulot, plus d’argent et toujours pas de mec tu peux la faire ta dépression ! ! ! !
Juste pour info change de secteur je t’ai grillé chez toutes les banques tu feras plus rien dans ce métier.
A bon entendeur salut ! ! ! ! ! ! !
PS : tes heures sup tu peux te les foutre au cul. ».
Analyse :
Outre les menaces et insultes proférés dans ce mail, l’employeur conteste en précisant qu’il n’est pas l’auteur en invoquant le régime de preuve applicable aux écrits sous forme électronique.
En effet, d’après le Code Civil (art. 1316-1 ; 1316-3 et 1316-4), un document électronique constitue une preuve valable au même titre qu’un document couché sur papier sous réserve qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à garantir l’intégralité et qu’il soit signé selon un procédé fiable d’identification.
La Cour de Cassation, refuse d’appliquer à un simple courriel des règles d’abord conçues pour apprécier la validité et l’authenticité d’actes juridiques tel un contrat, car elle précise : la preuve d’un fait peut être établie par tous moyens de preuve.
La Cour ajoute que les juges du fond apprécient souverainement les moyens de preuve apportés par les parties. Traduction : les Tribunaux et Cours d’Appels ne sont pas soumis au contrôle de la Cour de Cassation dans leur appréciation des éléments présentés par l’employeur et le salarié.
Dans cette affaire, l’employeur n’ayant pas pu démontrer qu’il n’était pas l’auteur du mail, que sa messagerie avait été piratée, la teneur du message correspondant à sa personnalité, il y avait tout lieu de penser en l’absence d’éléments contraire que l’employeur était bien l’auteur du message incriminé. Il a donc été condamné.
Il convient également de porter une vigilance particulière aux SMS et autres MMS, qui peuvent tout à fait être retranscrits par un Huissier de Justice pour servir de preuve aussi bien d’un coté que de l’autre.
Quelles possibilités de contestation pour l’employeur ?
Il faut démontrer n’avoir jamais envoyé le message en question, apporter une preuve négative, ce qui n’est pas chose aisée.
L’employeur doit prouver soit que l’adresse de l’expéditeur est erronée, soit que la boîte d’expédition de l’entreprise a été détournée…
Lorsque le salarié se prévaut de mails qui ne lui sont pas destinés sans expliquer comment il se les ait procurés, que ceux-ci n’apparaissent pas dans la boite électronique de l’employeur et qu’il est tout à fait possible de créer un message de toutes pièces et antidaté, les mails ont pu être écartés par la Cour de cassation (22/03/2011).
Conclusion, vaut mieux conserver son calme et son sang-froid, prendre le temps d’analyser la situation et rédiger un courrier ou faire rédiger un courrier par son conseil plutôt que d’envoyer un mail…
Source : Si vous voulez lire l’intégralité de l’arrêt c’est ici
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